vendredi, mai 12, 2006

par LAURENT HERROU, le vendredi 12 mai 2006


Une bouteille de vin devant la télé, une pizza, un pot de glace. Une bouteille de vin que je bois seul, un Chinon 2004. Je me punis d’un crime que je n’ai pas commis, je lève les bras devant la Nouvelle Star, en cadence, encourage à voix haute, j’applaudis, au spectacle. Ivre. Le foie tient, c’est étonnant ce qu’il endure. Je me punis, je me fais du mal -ou du bien, c’est selon, j’oublie. Une bouteille de vin, Sandrine écrit : “tu m’inquiètes, ça va?” Je réponds non, mais qu’elle ne s’inquiète pas. Je ne vais pas bien, mais je ne vais pas pas bien, ce n’est pas moi qui ne vais pas bien, je ne vais pas bien dans le sens où, là, ce soir-là, devant la télé, plein volume, tant pis pour les voisins, j’assume M6, j’ai du mal à avaler. Devant le frigidaire, j’ai vomi l’eau gazeuse sur un morceau de bleu. J’ai toussé comme un malade, la main à la gorge, c’est là que j’ai compris qu’il me fallait le vin. La bouteille a suivi, logiquement.
Le journal serait faussé si je ne disais pas mon état d’esprit mais le journal sera faussé du fait que je ne dirai pas pourquoi. Ce n’est pas le lieu : le journal intime est le lieu de la confidence, le journal publié n’est pas le lieu de la délation. La publication biaise le médium, elle n’ampute pas l’écriture du fait que je choisis les mots que je livre. Je ne me censure pas dans la mesure où je sais ce que je fais. Ce n’est pas une mutilation, c’est un respect.
Le vin rouge, c’est un manque de respect par contre.
Je m’étends, la tête me tourne, dès que les yeux se ferment, la pièce (la perception de la pièce dans le noir) bascule, m’emporte dans un tourbillon nauséeux. Je ne vomirai plus néanmoins, je m’endormirai avec le vin en moi, 75 cl. de Chinon 2004 au fond des entrailles.
Le journal n’est faussé que si je n’accepte pas de jouer le jeu, le journal est faussé si je n’accepte pas l’idée que le journal publié, dans cet esprit de publication, dans cette attente, n’est pas le journal. Vous lisez ce que je vous donne à lire. Le journal, le journal de l’écrivain, est une main basse, un vol. Consenti, réclamé. Je n’écris pas le journal pour qu’il dorme avec moi dans la tombe. Mais je n’écris pas le journal pour que vous y laissiez traîner vos sales pattes.
Je vais mourir, mais vous mourrez aussi.
Je vais mourir, vous ne lirez pas le journal de Laurent Herrou. Ce sont d’autres qui s’en chargeront après vous. Longtemps après.
Je ne vais pas mourir maintenant, ne cherchez pas à m’enterrer.
copyright Laurent herrou photo/jean pierre paringaux

3 Comments:

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