lundi, mai 22, 2006

par DANIEL FRANCO, le lundi 22 mai 2006

Dimanche, j'écris pour lundi. Comme au temps de l'école, la veille au soir est un estomac noué dans le temps. Je pose sur la feuille mon nez raccourci, mon enfance me prend à la gorge, comme une brumisation de camphre. Je crois bien que je saute la marelle de l'évolution à rebours, comme le blizzard sur l'ange de Benjamin, le progrès est une poussée odieuse dans mes ailes, et tout mon arrière-train porte la vertu lourdaude du refuznik, ou dans le langage nietzschéen, la sainteté du chameau. Bientôt un citron émergera du néant, des doigts en presseront ce qu'il faut pour couper la dominante de miel, un thé, un thé, un thé flottera dans l'air, dont les volutes peu à peu se fraieront une voie dans le contour et ce sera la bouche de ma mère, qu'une ligne divisera pour séparer les lèvres avec lesquelles elle soufflera dessus la bonne température. Ou bien je rêve, ce n'était que ce sourire, qui est perché sur mon épaule, depuis que j'ai erré loin de mon chat. Je parlerais volontiers de la politique, du temps présent. Mais il n'y a pas de politique le dimanche. Les journaux se taisent, la machine pénitentiaire est en train de graver dans le dos du papier le crime qui s'est fait sous les yeux, au vu de tous. Ce sera l'occasion de rougir, de honte, ou de soulagement, sait-on jamais dans le dortoir des manchots et des impuissants, lequel branle l'autre. Dans chaque chose ronde, nous cherchons le centre, au lieu de suivre le rayon. Le cosmos était un infini, dont la terre était le centre. La terre était une étendue bariolée, dont l'homme était le recenseur. L'homme était une nature hybride, dont le génome a promu la miniature niaise, crochetée, la double hélice au pays des merveilles. Il reste à élire la poignée de gènes réellement décisifs, la combinaison protéïnée des arts et métiers. Et puis le dimanche éternel, celui qui sait nouer jusqu'au filament de la trotteuse sur une seconde qui se mordille le bouton de queue. Il est minuit passé quinze minutes. Le Sauveur, à moto, la grande frite à l'air, top sucré, vient de passer sous ma fenêtre.