par JEAN PHILIPPE CONVERT, le lundi 19 juin 2006
Je commence demain à Anvers, au Lokaal01, une résidence avec le saxophoniste Thomas Olbrecht. Jusqu’à la mi-juillet, de temps en temps, je vais montrer quelques-uns de mes films, lui jouer en solo où avec son groupe « Drive speed » ; parfois ma voix et son instrument se rejoindront : je lirai mes textes, lui y plaquera des sons ; derrière un ordinateur portable, Frederik de Wilde mixera le tout : il se pourrait que tout cela soit beau. Il est vrai que nous sommes doués, que nous avons de la culture et que nous travaillons dur : rien donc d’étonnant à ce que nous puissions créer de belles pièces. Il reste que si je me promène dans une ville inconnue mon regard sera d’abord attiré par les maisons imparfaites, aux pièces délabrées, dans les quartiers oubliés. Dans nos villes modernes, notamment à Bruxelles, là où je vis, les autorités communales ne semblent pas de mon avis. On fait la chasse aux chancres urbains. C’est dommage, cela apportait de l’imperfection dans les parcours touristiques. Dans mon quartier, par exemple, quand je me suis installé, il y avait en face de ma fenêtre derrière une palissade, un terrain vague, une dent creuse. Depuis on y a mis du plomb : au rez-de-chaussée une grande surface qui me sert d’ailleurs beaucoup pour faire mes emplettes ; les étages au nombre de quatre, plus des chambres sous les toîts, sont occupés par des gens à revenu moyen ainsi que par de bons contribuables. Cet immeuble paraît-il a bénéficié d’un certain écho parmi le petit monde des architectes pour sa qualité. Je veux bien le croire. Mais je me souviens qu’avant qu’il ne se construise, je m’étais introduit une nuit en franchissant la palissade sur le terrain vague en me disant : c’est là qu’il faudrait faire quelque chose : un jardin, une exposition sauvage, un concert. J’ai laissé mes idées en friches et les constructeurs d’immeubles sont venus. Depuis je devine que les pièces de cet immeuble doivent être parfaites, les murs blancs, à peine peut-être une ou deux craquelures du platre comme on en voit souvent dans ces bâtiments qui ont été construits rapidement. Au Lokaal01, l’espace est blanc comme dans presque tous les lieux de l’art contemporain. Ils ressemblent à une toile de format carré, accroché à une cimaise, à laquelle le peintre n’aurait pas touché. Ce sont des espaces en soi, fermés sur eux-mêmes, parfaits. Dès que l’on commence à y toucher, ça devient plus compliqué ; des problèmes apparaissent et pour peu que l’on ait eu une éducation artistique un peu stricte, on se dit que l’on ferait mieux de ne rien faire. Rien de plus beau qu’un carré blanc dans une pièce blanche. Le problème est que cela a déjà été fait. Or une éducation artistique un peu stricte est basée sur quelques principes, dont celui-ci : il ne faut jamais faire ce qui a déjà été fait sinon ce n’est plus de l’art contemporain. Le principe peut aller loin : si je crée une pièce à l’occasion d’une exposition et que je remontre la pièce six mois plus tard dans une autre exposition, on m’en fera le reproche. On me dira, à moins que cela ne se fasse dans mon dos : tu te répètes. Ce à quoi je réponds : il y a si peu de monde lors de nos expositions, il faut donc toujours montrer et remontrer nos travaux, sauf à considérer qu’ils ne valent d’être appréciés que par les professionnels des vernissages. Comme on le remarquera donc, le petit monde de l’art contemporain est parcouru par d’intenses débats.
A Anvers, puisque j’interviens dans cet espace tout blanc, ce sera imparfait et répétitif. J’espère simplement que nous ne casserons pas trop d’oreilles et de regards, comme parfois une ballade dans une de nos villes peut le faire : la répétition des mêmes images, des mêmes publicités, des mêmes produits, l’accumulation des signes que l’on n’a pas choisi et que l’on vous impose jusqu’à la nausée. Le but est là : créer un effet de saturation, une fatigue, c’est-à-dire pour reprendre l’expression d’un directeur de chaîne : « créer du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola».
Quant à moi, j’entends me répéter mais une seule fois. C’est bien assez d’une vie. Sur cette auguste et sibylline parole je vous laisse en me demandant si plutôt que des projections vidéos, des lectures et des concerts, je ne ferai pas mieux de faire un jardin sauvage. Ca suivrait son cours : les pousses se répéteraient ou se mélangeraient. La problème est qu’il manque de la lumière dans cette galerie. Nous ne garderons donc que la sauvagerie, dans la mesure où nous en sommes capables
A Anvers, puisque j’interviens dans cet espace tout blanc, ce sera imparfait et répétitif. J’espère simplement que nous ne casserons pas trop d’oreilles et de regards, comme parfois une ballade dans une de nos villes peut le faire : la répétition des mêmes images, des mêmes publicités, des mêmes produits, l’accumulation des signes que l’on n’a pas choisi et que l’on vous impose jusqu’à la nausée. Le but est là : créer un effet de saturation, une fatigue, c’est-à-dire pour reprendre l’expression d’un directeur de chaîne : « créer du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola».
Quant à moi, j’entends me répéter mais une seule fois. C’est bien assez d’une vie. Sur cette auguste et sibylline parole je vous laisse en me demandant si plutôt que des projections vidéos, des lectures et des concerts, je ne ferai pas mieux de faire un jardin sauvage. Ca suivrait son cours : les pousses se répéteraient ou se mélangeraient. La problème est qu’il manque de la lumière dans cette galerie. Nous ne garderons donc que la sauvagerie, dans la mesure où nous en sommes capables
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