par ELEIN FLEISS, le jeudi 15 juin 2006
Paris. Il est 22 heures.
Depuis hier, à mon grand soulagement, il fait moins chaud.
Aujourd’hui j’ai traversé la ville en tous sens. Quatre trajets de métro, certains direct, d’autres faits de plusieurs changements, pendant lesquels je lisais « Crime et Châtiment » (dans la traduction géniale d’André Markovicz). C’est grâce à un très grand effort que j’ai réussi à m’arracher à ma lecture pour ne pas rater les arrêts et les correspondances.
J’ai déjeuné dans un restaurant cambodgien, Macha, au fond d’une galerie marchande, dans le XIIIème arrondissement. Un quartier rendu vivant par les communautés asiatiques qui y vivent et qui l’ont entièrement transformé.
Il y a quelques années, j’y habitais, au vingt-sixième étage de la tour Helsinki. Cette tour fait partie des Olympiades, construites à partir de 1969, juste avant que soient interdits les édifices de plus de 37 mètres dans la capitale française.
Il y quelques semaines la question des tours a été remise sur le tapis par Pierre Mansat, membre du Parti Communiste Français, adjoint à la Mairie de Paris. Depuis a lieu une polémique autour de l’urbanisme du Paris de demain et de sa hauteur.
J’ai adoré habiter une tour. Pour le soleil que je voyais chaque soir descendre à l’horizon, pour la découverte d’une ville que je voyais différemment, de loin, pour le calme protecteur de la hauteur, pour l’exotisme de la situation, pour les centaines de boîtes aux lettres dans le hall. Je vivais à Paris mais j’avais l’impression d’être ailleurs. Impression renforcée par la présence asiatique dans le quartier. A chaque retour de voyage, j’entrais chez moi et la vue me stupéfiait à nouveau. Tout ce qui se passait dans le ciel, qu’il soit nuageux, azuré, couvert, orageux, violet, orange, pâle ou bleu marine, avait pris une grande importance dans ma vie.
A cette époque, je n’avais pas encore trente ans et je n’avais pas peur du vide.
Quitter cet appartement a été le plus triste de mes déménagements et je suis restée longtemps sans retourner dans ce quartier de peur d’être submergée par la nostalgie.
Ce soir j’ai dîné dans le Xème arrondissement, à La Chapelle, dans un restaurant indien, Dishny, très différent du type de ceux que l’on trouve passage Brady. On y mange une nourriture excellente et fraîche pour très peu d’argent.
Ce quartier aussi a été complètement transformé par l’installation progressive des indiens et des sri-lankais – principalement Tamouls – depuis une dizaine d’années. D’un des plus glauques de Paris il est devenu joyeux et vivant et il continue de se transformer, presque chaque jour.
Paris, vidée de ce qui faisait son peuple – évincé à la périphérie – survit grâce aux populations étrangères qui s’y sont installées. Sans elles, Paris serait déjà morte, ne serait plus qu’une ville fossilisée, peuplée de bourgeois, envahie par les boutiques de décoration, de vêtements et de téléphones portables, par les agences immobilières et les agences bancaires.
Paris. Il est minuit.
Depuis hier, à mon grand soulagement, il fait moins chaud.
Aujourd’hui j’ai traversé la ville en tous sens. Quatre trajets de métro, certains direct, d’autres faits de plusieurs changements, pendant lesquels je lisais « Crime et Châtiment » (dans la traduction géniale d’André Markovicz). C’est grâce à un très grand effort que j’ai réussi à m’arracher à ma lecture pour ne pas rater les arrêts et les correspondances.
J’ai déjeuné dans un restaurant cambodgien, Macha, au fond d’une galerie marchande, dans le XIIIème arrondissement. Un quartier rendu vivant par les communautés asiatiques qui y vivent et qui l’ont entièrement transformé.
Il y a quelques années, j’y habitais, au vingt-sixième étage de la tour Helsinki. Cette tour fait partie des Olympiades, construites à partir de 1969, juste avant que soient interdits les édifices de plus de 37 mètres dans la capitale française.
Il y quelques semaines la question des tours a été remise sur le tapis par Pierre Mansat, membre du Parti Communiste Français, adjoint à la Mairie de Paris. Depuis a lieu une polémique autour de l’urbanisme du Paris de demain et de sa hauteur.
J’ai adoré habiter une tour. Pour le soleil que je voyais chaque soir descendre à l’horizon, pour la découverte d’une ville que je voyais différemment, de loin, pour le calme protecteur de la hauteur, pour l’exotisme de la situation, pour les centaines de boîtes aux lettres dans le hall. Je vivais à Paris mais j’avais l’impression d’être ailleurs. Impression renforcée par la présence asiatique dans le quartier. A chaque retour de voyage, j’entrais chez moi et la vue me stupéfiait à nouveau. Tout ce qui se passait dans le ciel, qu’il soit nuageux, azuré, couvert, orageux, violet, orange, pâle ou bleu marine, avait pris une grande importance dans ma vie.
A cette époque, je n’avais pas encore trente ans et je n’avais pas peur du vide.
Quitter cet appartement a été le plus triste de mes déménagements et je suis restée longtemps sans retourner dans ce quartier de peur d’être submergée par la nostalgie.
Ce soir j’ai dîné dans le Xème arrondissement, à La Chapelle, dans un restaurant indien, Dishny, très différent du type de ceux que l’on trouve passage Brady. On y mange une nourriture excellente et fraîche pour très peu d’argent.
Ce quartier aussi a été complètement transformé par l’installation progressive des indiens et des sri-lankais – principalement Tamouls – depuis une dizaine d’années. D’un des plus glauques de Paris il est devenu joyeux et vivant et il continue de se transformer, presque chaque jour.
Paris, vidée de ce qui faisait son peuple – évincé à la périphérie – survit grâce aux populations étrangères qui s’y sont installées. Sans elles, Paris serait déjà morte, ne serait plus qu’une ville fossilisée, peuplée de bourgeois, envahie par les boutiques de décoration, de vêtements et de téléphones portables, par les agences immobilières et les agences bancaires.
Paris. Il est minuit.
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home