par LAURENT DE SUTTER, le mercredi 7 juin 2006
Et si l’histoire de l’art du XX° siècle était l’histoire de l’extension du domaine du réalisme ? Il y a dans les collections de la Fundació Juan Miró de Barcelone un tableau qui abonderait peut-être dans le sens de cette question. Ce tableau s’appelle Mai 68. C’est un tableau abstrait. Mais l’abstraction n’est pas contraire au réalisme, suggère-t-il. Elle n’est en effet contraire au réalisme que si le seul moyen d’y parvenir consiste en la représentation de la réalité elle-même. Le problème, c’est que cette représentation ne peut qu’échouer : même les raisins de Zeuxis n’étaient pas parfaits. Ce que suggère le tableau de Miró, c’est qu’il est possible d’être réaliste grâce à la description. Là où la représentation vise à soumettre la pratique de la peinture à un impératif éthique de fidélité (immédiation), la description propose au contraire à la peinture d’inventer de nouveaux dispositifs de formalisation de la réalité (méditations) : synthèse par totalités, analyse par éléments, critique par saillances. Parce que, dans Mai 68, Miró faisait usage de ces trois dispositifs à la fois, il rendait possible un type de réalisme moderne qui rapprochait sa pratique de celles d’autres réalistes d’époques reculées. Carpaccio, par exemple. Avec Mai 68, Miró était d’abord réaliste – et puis ensuite moderne. Et non l’inverse.
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Il n’y a pas de journaux intimes. Il n’y a que des tentatives plus ou moins avortées de réaliser une œuvre publique. Cela ne signifie pas qu’un journal intime est toujours obscène : il n’y a que les mauvais journaux intimes qui soient obscènes. Cela signifie plutôt qu’un journal intime est toujours théâtral : il est la scène qui annule l’obscénité qu’il y aurait à parler de soi. Michel Tournier l’avait bien compris. Il n’y a que des « journaux extimes ».
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Anne Teresa de Keersmaeker présente au Théâtre de la Ville sa nouvelle création. Cela s’appelle D’un soir un jour. Six chorégraphies sur des musiques de Debussy, Stravinksi et Benjamin. Six vignettes qui explorent toutes les réponses à la célèbre question de Spinoza : « Que peut un corps ? » Pour Anne Teresa de Keersmaeker, en effet, la danse n’est pas une affaire de mouvement, d’espace ou de désir. C’est une affaire de densité. A la question « Que peut un corps ? », elle répond très simplement : entrer dans des rapports de densité avec d’autres corps, des rapports d’affection, qui vont du nul (un corps est toute la troupe : fission) à l’infini (toute la troupe n’est qu’un corps : fusion). Mais précise-t-elle, la densité ne se mesure jamais globalement. Elle ne se mesure pas sur toute la largeur d’un plateau. Elle se mesure au contraire localement : ici, ici, ou ici. Pour Anne Teresa de Keersmaeker, le plateau est une balance.
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Il n’y a pas de journaux intimes. Il n’y a que des tentatives plus ou moins avortées de réaliser une œuvre publique. Cela ne signifie pas qu’un journal intime est toujours obscène : il n’y a que les mauvais journaux intimes qui soient obscènes. Cela signifie plutôt qu’un journal intime est toujours théâtral : il est la scène qui annule l’obscénité qu’il y aurait à parler de soi. Michel Tournier l’avait bien compris. Il n’y a que des « journaux extimes ».
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Anne Teresa de Keersmaeker présente au Théâtre de la Ville sa nouvelle création. Cela s’appelle D’un soir un jour. Six chorégraphies sur des musiques de Debussy, Stravinksi et Benjamin. Six vignettes qui explorent toutes les réponses à la célèbre question de Spinoza : « Que peut un corps ? » Pour Anne Teresa de Keersmaeker, en effet, la danse n’est pas une affaire de mouvement, d’espace ou de désir. C’est une affaire de densité. A la question « Que peut un corps ? », elle répond très simplement : entrer dans des rapports de densité avec d’autres corps, des rapports d’affection, qui vont du nul (un corps est toute la troupe : fission) à l’infini (toute la troupe n’est qu’un corps : fusion). Mais précise-t-elle, la densité ne se mesure jamais globalement. Elle ne se mesure pas sur toute la largeur d’un plateau. Elle se mesure au contraire localement : ici, ici, ou ici. Pour Anne Teresa de Keersmaeker, le plateau est une balance.
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