par PASCAL CHABOT, le mardi 27 juin 2006
Il y a une thèse qu'il faudrait définitivement laisser de côté si l'on veut y voir clair, c'est celle selon laquelle la technique serait neutre. En soi, disent les auteurs de cette thèse, et ils sont légion, la technique n'est bonne ni mauvaise, ni nocive ni bienfaitrice, ni rien qui soit qualifiable sur l'échelle des valeurs. Tout dépend de la manière dont on l'utilise. Pur fait, impassible, inconvocable à aucune barre ni susceptible d'aucun jugement, elle est, et en cet être s'épuise et se résume. Selon cette thèse, le poignard n'est ni bon ni mauvais, il est neutre, tout dépend de la main qui le tient, ou plutôt de l'individu à qui appartient cette main serrée.
Tout dépend de l'homme, en fait, les instruments n'ont pas d'intention. Le train peut être aussi bien paisible train de marchandise que train de la mort, l'avion charter touristique ou bombe qui fait fondre les colonnes d'acier des grattes ciel de New York, le couteau, éplucheur ou écorcheur, le pharmakon, poison ou médicament.
C'est une thèse très intéressante. Je la vois comme une des colonnes qui soutient notre société, sans laquelle le doute ferait plus souvent intrusion. Personnellement, je pense qu'elle est fausse.
On dit : la technique est neutre; c'est l'intention de son utilisateur qui importe. Ce qui revient à dire que la technique n'a pas d'intention. Pourtant, si on y réfléchit, on doit se rendre compte que la technique est elle-même une intention matérialisée, elle est une idée, un "je veux faire ceci" qui a été traduit dans les faits, dans l'ordre de la matière. Il y a toujours un "je veux me déplacer plus vite", un "je veux pouvoir lancer un projectile plus loin" ou "je veux fluidifier le sang" derrière chaque invention. L'intention est là, dès le début, massivement, car tout objet technique est concrétisation d'une idée qui fait écho à un désir de son inventeur. Je veux bien, à la rigueur, croire à la neutralité d'un cailloux ou d'une pomme car je ne suis pas tenté par l'animisme universel, sauf bien sûr quand la pomme me tombe sur le nez. Mais je ne puis me résoudre à dire d'un objet technique, dont l'essence est d'être la matérialisation d'une idée humaine, une des choses les moins "neutres" qui soit, qu'il pourrait être dénué d'intention.
Cela dit, cette portée de l'objet à la neutralité impossible n'est pas spécifiquement bonne ou mauvaise. Elle est bien plus vaste : la portée de l'objet est de créer une civilisation. Rien de moins. C'est cela que créent nos objets, les intentions et les possibilités qu'ils matérialisent : une civilisation avec des codes, des messages, des instructions, des images, des pré-compréhensions, des schémas interprétatifs, des idéaux, des désirs, des interdits, des lois, des ordres, des autorités, des préséances, des disqualifications, des nécessités, des joies, des tristesses, des souffrances et des halètements, une civilisation en somme, une superstructure ancrée profondément dans une infrastructure technique qui chaque jour s'affine, se précise et étend sa réticulation horizontale sur toute la surface d'une planète qui devient étroite, et sa portée verticale, depuis les abysses jusqu'aux étoiles.
Ce n'est pas si "neutre"...
Tout dépend de l'homme, en fait, les instruments n'ont pas d'intention. Le train peut être aussi bien paisible train de marchandise que train de la mort, l'avion charter touristique ou bombe qui fait fondre les colonnes d'acier des grattes ciel de New York, le couteau, éplucheur ou écorcheur, le pharmakon, poison ou médicament.
C'est une thèse très intéressante. Je la vois comme une des colonnes qui soutient notre société, sans laquelle le doute ferait plus souvent intrusion. Personnellement, je pense qu'elle est fausse.
On dit : la technique est neutre; c'est l'intention de son utilisateur qui importe. Ce qui revient à dire que la technique n'a pas d'intention. Pourtant, si on y réfléchit, on doit se rendre compte que la technique est elle-même une intention matérialisée, elle est une idée, un "je veux faire ceci" qui a été traduit dans les faits, dans l'ordre de la matière. Il y a toujours un "je veux me déplacer plus vite", un "je veux pouvoir lancer un projectile plus loin" ou "je veux fluidifier le sang" derrière chaque invention. L'intention est là, dès le début, massivement, car tout objet technique est concrétisation d'une idée qui fait écho à un désir de son inventeur. Je veux bien, à la rigueur, croire à la neutralité d'un cailloux ou d'une pomme car je ne suis pas tenté par l'animisme universel, sauf bien sûr quand la pomme me tombe sur le nez. Mais je ne puis me résoudre à dire d'un objet technique, dont l'essence est d'être la matérialisation d'une idée humaine, une des choses les moins "neutres" qui soit, qu'il pourrait être dénué d'intention.
Cela dit, cette portée de l'objet à la neutralité impossible n'est pas spécifiquement bonne ou mauvaise. Elle est bien plus vaste : la portée de l'objet est de créer une civilisation. Rien de moins. C'est cela que créent nos objets, les intentions et les possibilités qu'ils matérialisent : une civilisation avec des codes, des messages, des instructions, des images, des pré-compréhensions, des schémas interprétatifs, des idéaux, des désirs, des interdits, des lois, des ordres, des autorités, des préséances, des disqualifications, des nécessités, des joies, des tristesses, des souffrances et des halètements, une civilisation en somme, une superstructure ancrée profondément dans une infrastructure technique qui chaque jour s'affine, se précise et étend sa réticulation horizontale sur toute la surface d'une planète qui devient étroite, et sa portée verticale, depuis les abysses jusqu'aux étoiles.
Ce n'est pas si "neutre"...
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