lundi, juillet 10, 2006

par FRANK ROSE, le dimanche 9 juillet 2006

Ce matin nous nous sommes donnés rendez-vous devant la Porte de Louvain à 10h30. Je redoutais quelque chose dans la présence du nom « Louvain ». Rendez-vous des familles, neuf au total avec les gosses. C'est « la seule porte ancienne qui reste », m'avait dit mon compère. Notre connaissance du lieu étant raisonnablement limitée, nous avons parcouru l'enceinte en briques rouges du domaine de chasse des Ducs du Brabant (qu'on appelle aujourd'hui le parc de Tervuren) pour vérifier qu'il n'y avait d'autre « porte ancienne » que celle dite de Louvain. Après avoir longé le mur pendant un kilomètre, nous avons repéré un chemin étroit qui se glissait entre deux propriétés, juste au point où les eaux des étangs de Tervuren (et de Vossem) se déversent dans une petite rivière. A l'entrée du chemin un panneau indiquait VOER en majuscules. Oui, Voer, c'est le nom à l'origine de Tervuren et, je l'avoue, je ne pourrais pas dire si c'est féminin ou masculin. De retour à ce qui ne pouvait être désormais que la Porte de Louvain, nous avons retrouvé l'autre famille avec laquelle nous nous étions donnés rendez-vous. Le père (lui) parle au père (moi) pour dire : « Je propose de parcourir le chemin de la Voer » [de « la » Voer ?, j'hésite encore]. Télépathie. Passion à distance. Dès qu'on est sur le sentier, le père parle au père pour dire : «Ce n'est pas habituel de retrouver toutes ces mauvaises herbes sur le bord de la Voer. En général, en Flandre ils nettoient ». Moi j'aime ça, les orties, le chardon, la rhubarbe, ce que les allemands appellent d'un très beau mot : Unkraut. Tout-à-coup mon fils m'arrête et signale d'un doigt dubitatif un petit signal de repérage : Voer-Dijleland. Voilà Dyle qui réapparaît ce dimanche. Dyle c'est un amour difficile – à expliquer aux autres. Un amour de loin.

L'après-midi, le pique-nique terminé sur la pelouse du parc, nous nous dirigeons vers notre prochain rendez-vous. Encore des familles, des enfants. Et –chose importante– nous ne quittons pas le bassin de Dyle. Boris Lehman a présenté à cette occasion son film «Tentatives de se décrire», drôle et interpellant comme lui. (Plus d'infos :
http://www.borislehman.be/) Alors que les adultes suivaient plus ou moins fascinés le parcours de ce crucifié appelé Lehman, les enfants regardaient la finale de la coupe du monde.

Il me semble que le travail de Lehman ne relève pas de l'autobiographique. Je m'insurge contre cette caractérisation. C'est carrément une graphie qui se substitue à la vie – car la vie n'y est pas, mélancolie incurable. La graphie cherche par l'image la vie. La vie n'y est pas. Reste la graphie.

Bio-grapho-fagie qui met fin à cet exercice temporairement autonome.