mercredi, juillet 05, 2006

par FRANK ROSE, le mardi 4 juillet 2006

Je marchais alors (cela fait exactement 7 ans) à travers des champs Pélasges. Des oignons, du maïs et du seigle. L’embouteillage avait été impossible á gérer. En trois heures, nous avions à peine parcouru 25 kilomètres sur la route Haacht-Werchter. A travers ces champs j'écoutais le riff très repérable de The Hexx, puis la voix de Stephen Malkmus "…my Palestinian nephew…". Lorsque nous arrivions à l'entrée, ils jouaient un minable "Summer Babe", très Werchter. Le seuil franchi, Bob Nastanovitch disait au revoir à une foule plutôt désintéressée. C'était la fin de Pave.

Cette fois-ci je ne marchais plus, juste un peu. Train (air conditionné). Bus (pas d'airconditionné). Et puis le Tube, bien gardé à son entrée par les forces de police. Sous le soleil de ce vendredi 30 juin, nous avons marché, l'ami anglais et moi, sur la route goudronnée et étroite allant de Rotselaar à Werchter, balisée par des clôtures en fer empêchant tout détour ou égarement. Il fallait juste suivre la balise. Pas besoin de regarder derrière soi. Pas de foule non plus. A 18.15, le spectacle avait déjà commencé depuis plus de 5 heures. Tout à coup la balise à droite disparut. C'était un ravin. Plus qu'un ravin. L'eau coulait bien, même très bien. Un canal? Et ces méandres? Il faudrait être fou pour creuser un canal comme ça. J'eu une vague intuition. Et si c'était la Dyle? Nous n’étions pas loin de Louvain et je me rappelais que, sur l'autoroute de Liège, un grand panneau en flamand annonce "Dijlevalleij". Et puis je savais que la Dyle s'empresse depuis ses timides débuts wallons à rejoindre le chemin de l'Escaut. Le doute resta intact jusqu'à lundi (hier). Cette rivière, c’était presque-la-Dyle car il lui manquait son nom pour exister. C'était une rivière qui pouvait être, qui, peut-être, était la Dyle. Je n'ai même pas fait comme si elle était la Dyle. Lorsque je lui fis remarquer le courant de la rivière, l'ami anglais, toujours prêt à faucher dès sa racine tout semblant de discours bucolique, observa:
- Oui, oui, très beau, mais regarde ce magasin en briques grises sur l'autre rive.
Fin mars, lorsqu'il fumait une cigarette à l'extérieur, je lui ai parlé des narcisses – car l'éclosion des narcisses à l'échelle quasi-industrielle des parterres communaux a toujours quelque chose de méditatif et inattendu. Comme lui. Très vite il observa qu'il n'avait jamais imaginé que ces fleurs jaunes pouvaient être des narcisses. J'ai alors pensé à cet échange entre le poète nicaraguayen Rubén Darío et Valle-Inclán le Manchot:
- Dîtes, Valle, quelle étrange et belle plante! Quel est son nom?
- Ça c'est le nénuphar dont vous parlez tant dans vos poèmes.

Même si nous allions rater Mogwai et d'autres groupes, nous nous arrêtâmes pour manger un bout (curry worst + frites) et regarder la fin du match Argentine-Allemagne dans une minuscule télé devant laquelle une bonne centaine de soi-disant festivaliers sautaient, rotaient et criaient. Je savais que s’ils allaient aux penaltys, c'en était fini pour l'Argentine. Je regardais le visage d'un rastafari blanc, un garçon très jeune, qui portait le maillot du River Plate. Je voyais bien qu'il faisait un grand effort pour ne pas trahir ses émotions. Lorsque l'Argentine a marqué son premier but il a serré légèrement son poing, d'une manière imperceptible. A la fin, je n'osais plus le regarder. Il était temps pénétrer davantage (car nous étions déjà dans le Tube) dans l'enceinte…