par DANIEL FRANCO, le dimanche 28 mai 2006
Dimanche , j'écris samedi. "La boucle est bouclée", voilà, par ailleurs, c'est le nom de salon que je proposerai à mon ami Laurent, coiffeur pour dames de son état. Avant-hier, je crois bien, à Cannes, a été présenté le film de Guillaume Malandrin : "Et qu'est-ce que ça peut me faire si demain n'arrive jamais". C'est bien ça, c'est pour ça qu'il faut écrire la veille pour le lendemain. Et surtout, si je dois finir par vendre la mèche, il faut écrire la veille pour continuer à se blottir tout contre l'avant-veille. C'est là, en effet, là où tout peut vaciller sans danger, dans l'antériorité, que la mèche est allumée, et si on veut la vendre, sagesse de boutiquier, il faut bien qu'elle soit à portée de main. Le palindrome, la préhistoire, le pathos antiquaire juif, les crampes scolaires de l'enfance, le seul filigrane qui serpente à travers ces petits billets, c'est ce cheminement en crabe, qui derrière la façade craintive, abrite la joie d'aller à reculons. Dans les contes de l'enfance, les femmes, reines et sorcières, vérifient leur beauté dans un miroir. Il en va de même de l'évolution, elle ne peut être magnifiée que dans cette translation géométrique. La topographie de la grâce : faire demi-tour. Platon disait que toute connaissance n'est que ressouvenir, c'est à dire qu'elle est de la nature du regret. Que regrette-t-on par le savoir ? On regrette la vie, qui cesse d'être miraculée, et n'est plus que cette négociation juteuse, ce jeu dont on tient toutes les ficelles. Ce que raconte la mythologie, c'est que toute expérience, dans son instauration, est mortelle. Souvenez-vous : les amours d'enfance, les toutes premières hontes, le premier mensonge réellement prémédité avec sa montée de sang au visage. Rien de tout cela à quoi on croyait pouvoir survivre. Apprendre, c'est d'abord amenuiser ce péril de l'expérience ordinaire, et par la suite, comme disait Salomon, en roi aux mains vides, la puissance creuse l'impuissance, la sagesse revient comme douleur. C'était aussi le programme de Heinrich von Kleist, dans son texte sur le Théâtre de marionnettes : regagner le paradis par la porte dérobée. En vérité, la tortue est cousue dans le dos du lièvre, c'est pourquoi le lièvre même en pleine course ne la rattrapera pas. Comprenez-vous ? J'attends, j'attendrai toujours ce thé, ce thé, ce thé en suspension dans l'air, ma mère a beau souffler dessus, il est encore trop chaud, encore un peu trop chaud, et c'est parce que je l'ai malgré tout porté à mes lèvres que je me trouve comme l'enfant Moïse, lourd de la lèvre, et perdu dans un désert, dans lequel je ne cesse d'errer à reculons, et ainsi, comment voulez-vous, quelle maigre chance ai-je donc d'arriver en terre promise ? Là où paraît-il, le lait, à flots, lui aussi, dans ma tasse de thé, doit venir couper la dominante de miel. D'ici là, de fleur en fleur, bagué de jour et nuit, une espèce de danse en guise de langage, aux ordres de la reine, je poursuis une existence bourdonnante, dévouée.
1 Comments:
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